NOM MUTANT x L’Illusionniste.

CLASSE x 3.

POUVOIR x Illusion mentale. Andrew peut, par la seule force de son esprit, créer et projeter une image ou altérer la réalité ; il est capable de reconstituer des scènes, des objets, des personnages, et de les faire interagir avec sa ou ses victime(s).

FORCES, FAIBLESSES & LIMITES x Andrew a une emprise mentale difficilement discutable. Une fois qu'il s’immisce dans l'esprit de sa victime, il a un contrôle quasi illimité sur son cerveau tant que son illusion ne faiblit pas. Il joue sur les cinq sens, en récréant des lieux, des personnes… Son pouvoir est offensif comme défensif, il tire les ficelles des deux cotés. Andrew peut masquer sa présence aux yeux d'autrui ou modifier illusoirement son apparence ou sa voix. Il est capable de créer de toute pièce une réalité alternative dans laquelle sa victime sera prisonnière, pousser son adversaire à commettre un acte particulier (parfois irréparable), ou, dans un cas extrême, au suicide. Les illusions ont tendance à être moins persuasives que la télépathie, mais l'entraînement suffit à gagner en assurance. Au stade où il en est actuellement, Andrew réussit sans peine à faire croire à sa marionnette que tout ce qu’elle voit ou entend existe bel et bien et que ce n'est en rien le produit de son imagination.
La faille de l’Illusionniste réside dans la concentration qu’exige ce pouvoir. Si celle-ci atteint son paroxysme, elle entraîne des conséquences, souvent physiques : évanouissements, nausées, épistaxis… Il a assez de puissance pour contrôler trois, voire quatre personnes en même temps, mais ses efforts sont multipliés par dix, le rendant extrêmement vulnérable.
Andrew ne redoute pas les autres illusionnistes contre lesquels son pouvoir l’immunise, mais est sensible aux attaques mentales, un télépathe peut aisément deviner sa présence voire le déstabiliser par exemple. S'il est blessé ou malade, ses illusions seront considérablement affaiblies.

CLASSE 1 x Ses premières illusions se manifestent et il en est la première victime : maître et marionnette à la fois, il hypnose inconsciemment les autres, et ne connaît pas ses limites. Le réalisme est aléatoire, il est incapable de voir ce qu'il crée. Sa mutation l'épuise et le draine de toute son énergie en quelques minutes à peine. Il s'attaque involontairement à son entourage, un regard suffit à tomber sous son emprise.

CLASSE 2 x Son pouvoir est devenu plus ou moins malléable. Il a toujours des maux de tête et ses émotions prennent facilement le pas sur sa concentration, mais il canalise ses illusions selon son propre désir, bien qu'elles soient peu abouties. Il peut désormais dissimuler sa présence ou modifier son apparence aux yeux de sa victime. Créer une autre réalité est un effort trop ardu encore. Toutefois, il est capable d'utiliser les sens tels que l'odorat et l'ouïe dans ses illusions, ainsi que d'intimer certaines sensations : le plaisir, l'apaisement et parfois la douleur. Ses capacités restent cependant aléatoires.

CLASSE 3 x Son pouvoir se stabilise : ses illusions s'ancrent dans la réalité, il commence à prendre confiance et s'introduit dans les esprits avec une facilité presque déconcertante. Les migraines disparaissent progressivement, lui offrant enfin une certaine sérénité mentale. À ce stade, il n'est plus victime des ses illusions mais le maître véritable, il peut désormais ériger une dimension mentale parallèle et y enfermer sa victime un court laps de temps. Ses illusions visuelles et auditives sont réussies, mais il reste sensible aux perturbations extérieures : sa concentration n'est pas optimale et infaillible. Il peut contrôler plusieurs personnes à la fois, dont lui-même si nécessaire, et altérer les sensations physiques ou psychologiques de ses victimes : les convaincre d'une blessure, les rendre malade… Sa persuasion laisse difficilement place au doute.

CLASSE 4 x Le cerveau de sa victime n'a plus aucun secret pour lui : il peut la rendre complètement folle à lier et jouer de ses illusions à un point de non-retour, autrement dit perturber l'équilibre mental. Il fait intervenir des personnes pouvant interagir avec son adversaire, alors sous le joug de son emprise mentale. Ses illusions deviennent également tactiles s'il le décide, elles sont toutes proches de la réalité en étant simplement des créations de l'esprit : il peut donc pousser sa victime à la mort, en la convaincant par exemple qu'elle se noie, qu'elle s'étouffe ou qu'elle fait une attaque cardiaque. De vagues apparitions d'une mutation très sommaire se manifestent : des talents de télépathie trop faibles à exploiter. Il peut prendre possession de l'esprit mais également lire dans les pensées, sans pour autant avoir les facultés abouties d'un télépathe expérimenté. Ce pouvoir intervient seulement avec les illusions, ils ne peuvent se dissocier l'un de l'autre.

CLASSE 5 x Insensible à toute attaque mentale extérieure, il n'a plus aucune limite. Il peut tuer, blesser et projeter ses illusions à grande échelle. Sa télépathie est minime, lui permettant simplement de deviner les pensées et de bloquer d'autres mutants doués de pouvoir psychiques. Il n'a plus besoin de se concentrer pour monter sa propre réalité, un coup d’œil suffit. Il sonde et contrôle l'esprit de son adversaire, quitte à lui « implanter » ses illusions dans la tête et à l'abandonner à vie dans une réalité altérée. Cependant, il n'est plus un danger pour les autres mais pour lui-même aussi. Qui dit que son pouvoir ne le rongera-t-il pas jusqu'à l'abrutir à son tour ? Comment dissocier le vrai du faux ?

Andrew est un battant : compétition et détermination coulent dans ses veines. Affreusement têtu, limite impulsif, il ne démord pas facilement des causes lui tenant à cœur. Il déteste rester sur un échec qui est, d’ailleurs, un mot n’existant pas dans son vocabulaire. Il ne craint aucunement la concurrence ; il se convainc toujours qu’il saura venir à bout de ses adversaires. Sûr de ses choix, il en a fait sa marque de fabrique. Beaucoup manque de confiance en soi, alors que lui pourrait partager la sienne, qui suinte par tous les pores de sa peau. C’est sa façon propre de se donner du courage, de la motivation. S’il se persuade qu’il peut y arriver, il y arrivera. N’ayant pas peur de dégainer les coups bas, Andrew n’a pas froid aux yeux quand la situation l’exige. Son calme a été maintes fois remarqué, et ses coups de sang également. Il perd très facilement patience et n’hésite pas à taper du poing sur la table si c’est nécessaire. Certains maintiennent qu’il est lunatique au possible et que ses sautes d’humeur sont redoutables ; laissons les déblatérer, Andrew n’a cure de l’opinion des autres. Son orgueil n’a d’égal, il défend bec et ongles sa fierté. Parfois présomptueux, il est théoriquement impossible qu’il n’ait pas raison.
Cela dit, ne l’y méprenez pas, ce n’est pas un modèle, et sous certains aspects, il est absolument détestable. Il a beau être persévérant et doté de qualités louables, il est très contradictoire dans sa manière de faire ou d’être. Il se sert de son talent d’orateur pour parvenir à ses fins, ce qui fait de lui un fin manipulateur. Andrew joue parfois aux dépens des autres sans craindre les répercussions qu’il pourrait y avoir. Il aime prendre des risques, même si le danger lui procure une adrénaline lui coûtant parfois cher. Énigmatique, un voile de mystère plane sur sa vie. S’il est très habile pour dire aux autres ce qu’ils veulent entendre, il prend garde à ne jamais déraper. Andrew reste discret quant à son passé, n’en parlant que très rarement. Il part du principe qu’il faut aller de l’avant, quoiqu’il arrive. Le passé n’a pas sa place dans le futur, même s’il sait que tôt ou tard, il sera forcé de faire face à ses erreurs… En cela, il accorde rarement sa confiance au premier venu : méfiant et déroutant, il n'est pas facile à aborder. Le mettre dans sa poche est un exploit herculéen, tout comme obtenir ses grâces. En revanche, rétablissons l'équilibre dans la balance : il ne souffre pas de troubles paranoïaques, mais d'une perte d'assurance l'obligeant à se méfier des autres autant que de lui-même.
Intelligent et perspicace, il calcule tout à l'avance, comptant uniquement sur son instinct. Cela dit, son caractère impétueux a souvent raison de sa lucidité, le forçant à prendre des décisions ou à commettre des actes irréfléchis. Andrew est imprévisible, nul ne peut prévoir ce qu'il a l'intention de faire ou dire. Le portrait dépeint depuis ces dernières lignes semblent forger le connard de service, un antihéros adulé et haï, mais l'être humain est trop complexe pour être réduit à une vague étiquette. Andrew assume ses mauvais cotés, il n'en reste pas moins un homme de confiance à ses heures perdues. Loyal et altruiste, c'est quelqu’un sur qui l’on peut compter. Ses amis ne diront pas le contraire. Il n’a pas l’habitude de se soustraire à ses obligations ou fuir ses responsabilités. Il assume les dettes qu’il peut avoir, et n’hésite pas à remuer ciel et terre pour aider un proche. Après, tout se paye : sa rancune tenace n'épargne personne et la vengeance fait partie intégrante de son sang, il réclamera toujours son dû en temps et en heure. Cultivé et curieux, il a un esprit très ouvert – et il vaudrait mieux, me diriez-vous, avec ce qu'il se passe actuellement ! – et est un véritable touche-à-tout. Il peut passer des heures sur une broutille qu'il ignorait, en parler des jours durant, avant de passer à autre chose.
Lorsqu'il n'est pas à son bureau, Andrew est type plutôt ordinaire, vulgairement parlant. Sa mutation ne lui confère pas une particularité singulière, ni sa responsabilité de PDG. Il fume sans arrêt, conduit très mal et les rumeurs courant sur son compte chuchotent qu'il a un léger problème d'alcoolisme. Il est perçu comme un mégalomane courant derrière la course à la présidentielle, une médisance qui a tendance à lui arracher un sourire narquois. Andrew est sujet à des crises de panique, irrégulières et fortuites, s'il perd le contrôle de son pouvoir. Un saignement de nez le conduit à penser qu'il vit dans une illusion… Il vit dans la crainte de devenir fou, et y remédie par une passion inébranlable du travail. De ce fait, il se persuade que c'est une preuve de sa lucidité.

Avril 1993 – Boulogne-Billancourt (France).
« ARRÊTE ÇA ! » Sa mère se recroquevilla en position foetale à même le sol, secouée de tremblements. Elle hurlait, pleurait, devant les yeux embués de son fils de douze ans. Andrew aurait souhaité lui obéir, mais son corps et son esprit semblaient s'être dissociés. Sanglotante, la jeune femme n'osait remuer, trop effrayée par le regard de son propre enfant. Il la forçait à entendre des voix, à voir ce qui n'était pas… Ce garçon était une abomination de la nature, le fruit pourri de ses entrailles. « Je peux pas, maman ! » Couina le gamin, à genoux, les mains compressant sa tête dévorée par des maux douloureux. Elle n'avait qu'une seule chose à faire. Après s'être relevée de manière chancelante, Marion abattit sa main contre la joue de son fils, les traits tirés par la fatigue. « Monstre ! Tu aimes hypnotiser ? Tu voudrais me voir folle ? (Une seconde gifle acheva Andrew.) Ne refais plus jamais ces conneries ! Je ne sais pas ce que tu es, et je ne veux pas le savoir… Tu es aussi bizarre que ton père. » Ce fut au tour de l'enfant de verser des larmes de honte. Il hocha la tête, les membres tremblotants. « Je te jure que je ne fais pas exprès… » Lâcha-t-il, la gorge serrée, paralysé par sa propre peur. « Ne me regarde plus. Jamais. »
Douze ans, et déjà un rejet. Le rejet maternel. Andrew se fit la promesse d'apprendre à maîtriser son pouvoir, de récupérer l'affection de sa mère, de forcer son admiration… Il n'y parvint pas, malgré de durs efforts. Marion n'eut pour lui qu'une répugnance écoeurante et injustifiée, dégoûtée d'avoir enfanté une horreur d'illusionniste. Elle le chassa à l'aube de ses quinze ans, après une illusion de trop.



Octobre 2012 – siège de Danner Organization (New York).
« Nous allons remettre les choses au clair, Danner. » L'homme écarta un pan de sa veste, révélant ainsi l'étui de son revolver accroché à sa ceinture. Ses mains zébrées de veines saillantes s'apposèrent contre la surface lisse du bureau derrière lequel était assis Andrew, le cœur battant. Il dardait l'individu d'un regard polaire, les bras croisés sur son torse, et en dépit de son air impassible, sa nervosité ne tarderait pas à atteindre son paroxysme. Il connaissait ces hommes, il pouvait mettre un nom sur leurs visages aux tempes grisées. Ils étaient quatre : deux encadraient la porte donnant accès à son bureau, un autre maintenait une pression au niveau de son épaule afin d'empêcher tout mouvement brusque et le dernier refusait de briser leur contact visuel. Une femme se tenait non loin de lui, immobile dans son tailleur sombre et cintré. « Les élections approchent et vous êtes donné favori au poste de Gouverneur de l’État de New York. Peut-être devrais-je féliciter un self-made-man de se lancer ainsi dans la politique… ou un mutant. Quel terme préférez-vous ? » Un sourire moqueur se dessina sur les lèvres d'Andrew. Là était le problème : sa mutation. Ces politiciens véreux, corrompus jusqu'à la moelle, abrutis par leur puritanisme, le suspectaient de vouloir ridiculiser la campagne de McCallister en officialisant sa « particularité ». Il avait une formation d'avocat avant toute chose et était membre du Parti Démocrate depuis ses années universitaires, la politique n'était pas un nouveau terrain de jeu, sinon miné. Il avait la ferme intention d'être élu, puis d'abandonner son poste de PDG pour se consacrer à son poste futur, qu'il convoitait jalousement. « Mutant. Nous avons le droit d'être représentés par un semblable. » Enonça-t-il d'une voix rocailleuse et assurée – voire narquoise. L'homme ricana en secouant la tête, manifestement indifférent à de telles paroles. Ce n'était pas de la naïveté, mais une provocation dépassant les limites. Une candidature officielle d'un mutant réveillait les ardeurs de ses frères et sœurs, elle leur octroyait un espoir et un optimisme qui n'avaient pas lieu d'être. « Nous vous avons envoyé des avertissements, Danner, reprit sèchement l'homme. Si vous ne vous retirez pas de la course avant la fin de la semaine, je m'en chargerais. » Un silence pesant tomba brutalement entre les deux adversaires, dont les yeux ne se quittaient pas. Andrew se souvint desdites menaces : des coups de téléphone, des carreaux brisés, sa voiture saccagée… Mais il n'en tenait pas rigueur, sa détermination prenant le pas sur son éventuelle anxiété. « Faites, alors. » Siffla l'illusionniste, les muscles de ses mâchoires contractés sous l'effet de la colère.
« Votre femme est Magdalena Schäfer Danner, n'est-ce pas ? Épousée le 10 décembre 2007 à New York, neurologue, Allemande naturalisée Américaine en 2010, engagée dans les égalités sociales et mutantes ? » Personne ne répondit. « Enceinte. » Il avait besoin d'une cigarette. Il ne voulait pas comprendre. La gorge sèche, il observa la femme, jusqu'alors figée sur ses talons de douze, lui tendre un dossier bleu ciel sans mot dire, avant de reprendre sa place initiale. Dubitatif, Andrew jeta une œillade interrogatrice à son interlocuteur qui, d'un mouvement de tête, lui intima d'ouvrir cette chemise. Il s'exécuta. Les premières photographies, en noir et blanc, étalaient les corps inanimés de son épouse et de leur fille, vautrées en travers de leur salle à manger, après des traces évidentes de lutte. La table basse s'était brisée sous la tête de Magdalena qui, les yeux grands ouverts, semblait contempler l'objectif indécent immortalisant ses dernières minutes. Andrew fut saisi d'un haut-le-cœur et se pencha brutalement sur le coté afin de rejeter toute sa douleur et son dégoût sur le sol immaculé de son bureau, les épaules secouées de spasmes incontrôlables. Sans penser aux répercussions qu'aurait son geste, il se rua sur l'homme en costume avant d'être violemment ceinturé par le molosse de derrière. Les deux cerbères de l'entrée dégainèrent leurs armes en même temps que leur patron, qui pointa son canon contre la tempe d'Andrew. « Comme je disais, Danner, je vais remettre les choses au clair. Essayez de nous entourlouper avec vos illusions et Katherine, ici présente (Celle-ci illustra ses propos en hochant la tête.), se fera un plaisir de les retourner contre vous. C'est une mutante également, qui contre les pouvoirs psychiques. » Il marqua une courte pause. « Demain matin, vous ferez un communiqué de presse dans lequel vous annoncerez le retrait de votre candidature, sans donner de précisions. Vous reprendrez vos activités à Danner Organization. Si vous n'obéissez pas, vous serez accusé des chefs suivants : homicide involontaire et violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, preuves et témoins à l'appui. Si vous obtempérez, nous annoncerons une malheureuse fausse couche, suivie d'une embolie amniotique. La parole d'un mutant n'a pas de valeur, souvenez-vous en. »



Septembre 2014 – Edition du Time, « Le sale gosse reprend du service. »
Andrew Danner n'avait pas accordé d'interview depuis 2012, après sa surprenante conférence de presse dans laquelle il se retirait officiellement de la course au poste de Gouverneur de l’État de New York, laissant alors le champ libre à son adversaire anti-mutant. Une carrière politique terminée sur les chapeaux de roue pour l'enfant terrible, sixième plus grosse fortune américaine et classée dix-neuvième mondiale. Self made-man accompli, ce brillant franco-américain se laisse pourtant emporter par les affres de la réussite précoce et essuie scandale sur scandale en 2013. Sa réputation de « rock star des affaires » le pousse à l'overdose médicamenteuse dans sa résidence parisienne, suivie d'une cure de désintoxication au Betty Ford Center dans la foulée.

Itinéraire d'un gamin ordinaire – Fils unique d'un père américain, qui l'a abandonné à la naissance, et d'une mère française, il fuit du domicile familial à l'âge de seize ans et se réfugie dans un squat, avant de vivre par le biais de petits boulots misérables. « En Amérique, j'ai fait la même chose. Puis, de fil en aiguille, j'ai construit mon empire. » Se justifiant par ses convictions écologistes, il se lance aveuglément dans le marché des énergies renouvelables. À vingt-deux ans, il est le principal actionnaire de Danner Organization. Parallèlement, il poursuit un cursus universitaire à Columbia d'où il sortira diplômé en droit.
Membre du Parti Démocrate, il annonce en 2008 sa mutation, et se mue en défenseur des droits mutants, sans pour autant révéler la nature de ses pouvoirs « de peur que l'on doute (…) de lui par la suite. ». Lorsqu'il se présente comme candidat au poste de Gouverneur, le Parti anti-mutant s'insurge, arguant qu'une personne saine d'esprit ne peut pas avoir confiance en un monstre. Pourtant, Andrew Danner ne démord pas… puis se rétracte. Le Gouvernement serait-il derrière ce revirement de situation ? « Non, assure-t-il catégorique. Danner Organization rencontrait des problèmes qui ne permettaient pas que je quitte mon poste. » Ses électeurs mutants perdent foi en celui qui, en l'espace d'une année, s'était érigé en véritable icône politique. Trop égocentrique et mégalomane ? Préférait-il la sûreté que lui procuraient les caisses de ses multinationales aux aléas de la vie politique ?

La résurrection du phénix ? – Andrew Danner assure aujourd'hui qu'il reprend les reines du groupe DO, mais reste silencieux lorsque l'on évoque ses possibles rechutes alcooliques. Reste-il proche du gouvernement ? « J'ai confiance en Monsieur le Président. » Un mutant proche des idéaux de McCallister ? Le lynchage public ne saurait attendre… – Par J. J. Adler.



Juin 2016 – Munich (Allemagne).
À la terrasse d'un café, dissimulé derrière ses lunettes noires, Andrew Danner lézardait paresseusement sous l'agréable chaleur que prodiguait le soleil allemand. Hors du temps et du monde, il lisait distraitement un quotidien allemand relatant un attentat récent ayant ébranlé le sol américain mais qui laissait relativement indifférente la cinquième plus grosse fortune des États-Unis. Quatre auparavant, il se serait insurgé des propos du Président et aurait mené une violente contre-attaque par médias interposés, avec la hargne et la véhémence qui le caractérisaient si bien. Aujourd'hui, sous ses verres noirs, ses yeux couleur bleu acier demeuraient éteints, poursuivant la lecture du journal sans la moindre indignation. Après s'être publiquement retiré des élections en 2012 et sa désastreuse entrevue avec les autorités gouvernementales, Andrew avait disparu quelques semaines de la vie publique, voyageant aux quatre coins du monde afin d'implanter ses multinationales, faisant fi de sa carrière politique. Il trimait sous le joug du Gouvernement avec dégoût, même si les années passant, le mutant qu'il était le révulsait plus qu'autre chose. Renflouer leurs caisses servant à la « chasse » de ses semblables était devenu un automatisme, un automatisme honteux. Le choc du meurtre de Magdalena – et de l'enfant qu'il ne connaîtra jamais – s'était couplé à une sombre envie de vengeance, à une soif intarissable de justice qui asséchait un peu plus sa gorge jour après jour. Cette plaie béante ne demandait qu'à être refermée, mais à la moindre erreur, au moindre soupçon, la Cour de Justice l'enverrait en prison. Ou en cellule psychiatrique. « Vous serez rongé jusqu'à la moelle, là-bas. Cela étant, vous êtes un élément intéressant pour le Gouvernement, Danner. Écoutez-moi attentivement : nous vous offrons une chance. »

Il n'accordait plus aucune attention aux mutants, il ne se préoccupait plus des réformes exagérées qui étaient votées chaque semaine. Collaborateur : voici le nom justifiant cette indifférence. Danner Organization était sa seule et unique obsession, désormais. Andrew avait touché le fond en 2013, après avoir vu l'ensemble de ses frasques à répétition publiées dans les tabloïds du monde entier, avançant son alcoolisme, une overdose, ses relations houleuses avec des actrices, des mannequins… Il avait alors été démis de ses fonctions de PDG suite à son admission en cure de désintoxication au Betty Ford Center. Trois mois plus tard, il revenait sur le devant de la scène pour récupérer son dû à brûle-pourpoint. Sa mère décéda d'un cancer la même année à Paris et refusa qu'il la visite pendant son agonie, elle gardait assez de lucidité pour le traiter de « monstre » – son aversion à son égard était telle que le personnel hospitalier l'empêcha de pénétrer dans l'établissement médical. Il n'assista pas à l'enterrement, n'ayant aucun compte à rendre à la femme qui l'avait rejeté dès la manifestation de ses pouvoirs. Andrew évitait d'évoquer son passé, ses origines françaises, son arrivée aux Etats-Unis ou l'incroyable réussite sociale que l'on lui connaît actuellement, il avait tiré une croix sur sa mère depuis longtemps. Son décès – assez prématuré – ne lui provoqua aucune réaction.
Il jeta quelques euros près de sa tasse de café et s'enfonça dans les rues de Munich, déjà foulées aux cotés de son épouse. Son vol était programmé le lendemain, l'abandonnant une dernière nuit dans sa chambre d'hôtel froide, où traînaient des carcasses de bouteilles et de mégots. La vie est un combat sans trêve, disait Théophile Gautier. Et chaque jour, il affrontait le sien. On lui avait dérobé sa femme, sa philanthropie, son intégrité… Trop pour espérer une rédemption. Son esprit projeta alors une Magdalena vivante et épanouie, mais l'illusion s'évanouit rapidement.
Chaque fois qu'il se torturait à recréer la réalité de cette manière, il faisait un pas de plus vers la folie.