Lorsque le jeu prend fin et le passé refait surface | Kyle&Ambrà

Doucement mais sûrement, le soleil se levait et embrasait de ses rayons les diverses constructions de Brooklyn, éveillant sa population prête à se lancer dans une nouvelle journée de travail. Mais parmi tous ces hommes et femmes, certains s’étaient levés bien avant que l’astre ne fasse son apparition. Un bâtiment en particulier laissait filtrer de la lumière sous sa porte depuis des heures, son propriétaire ne connaissant visiblement pas des heures de travail normal. Pourtant un garage ne requérait en général pas de travailler des heures supplémentaires, mais le gérant de celui-ci était… particulier. Disons que son passé troublé offrait suffisamment de matériel à ses cauchemars pour que son sommeil s’en trouva particulièrement agité. Il avait appris à accepter le fait que seul le temps pouvait atténuer certaines cicatrices du passé. Au moins celles de son esprit avaient-elles une chance de son passé, ce qui était loin d’être le cas de celles marquant son corps en de multiples endroits. Pourtant Kyle ne vivait pas mal le fait que son corps porte encore des traces de son passé, peut-être parce qu’il avait été forcé en de multiples occasions de vivre avec ce qui ne pouvait être changé et tenter de voir au-delà.

Quoi qu’il en soit, cette nuit là, les souvenirs étaient venus le retrouver, et il n’avait pu trouver un sommeil paisible et bien mérité. Plutôt que de se retourner sans fin dans ses draps, il avait décidé de descendre au rez-de-chaussée et travailler sur la rénovation d’une vieille coccinelle. Et oui, il vivait au-dessus de son garage. Déjà que c’était un miracle qu’il est réuni assez de fonds pour ouvrir son propre garage, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’il puisse posséder son propre appartement en plus. Pourtant, on aurait pu croire que voleur d’œuvres d’art rapportait bien, mais l’argent était partagé entre lui et ses complices, et il fallait bien financer les opérations. Et puis, un ancien interne d’hôpital psychiatrique disparu pendant quelques années revenant à la tête d’une fortune aux origines mystères attirait un poil trop l’attention à son goût, ce qu’il ne désirait absolument pas. Il fallait dire qu’il ne brillait pas par son passé exemplaire, et il ne s’était même pas fait recenser. Alors mieux valait pour lui faire profil bas.

Malgré tout, il n’était pas peu fier de ce qu’il avait accompli récemment. Il ne s’en était pas si mal sorti après tout. Son garage le satisfaisait pleinement, surtout après des années à errer ou voler pour vivre, raison pour laquelle il se trouvait actuellement en train de réparer une voiture plutôt qu’en train de lire un bon livre au coin du feu. Le soleil filtrant par les vitres lui parvint enfin, et il cligna des yeux, stupéfait de constater que plusieurs heures s’étaient écoulées aussi rapidement. Il était habitué à ce que le temps s’écoule trop lentement pour sa perception si rapide de son environnement, aussi se retrouvait-il toujours pris au dépourvu lorsque le temps lui filait sous le nez. S’extirpant de sous la voiture, il grimaça en sentant les muscles de son dos protester violemment. Heureusement qu’il se maintenait régulièrement en forme, sans quoi il vieillirait avant l’heure avec toutes les mauvaises positions qu’il prenait. Il se força à s’étirer, avant de se diriger vers l’étage afin de prendre une douche et de se changer pour accueillir les clients. Autant ceux-ci comprenaient qu’en fin de journée ses ongles soient noirs de cambouis et ses vêtements tâchés d’huile, bien qu’il se change régulièrement afin de ne pas paraître souillon (il avait même un tablier de travail !), mais dès l’ouverture ? Même lui avait fini par comprendre qu’il fallait accorder un minimum de temps à son apparence lorsque l’on travaillait en étroit contact avec les gens.

Soupirant, il se traîna jusqu’à sa salle de bain, n’accordant même pas un regard aux légères cernes soulignant ses yeux ou aux diverses marques sur son corps. Souvent on lui faisait remarquer qu’il n’avait pas le physique d’un mécanicien : trop noueux, trop fin, trop musclé comme un coureur. Il les chassait d’un rire ou d’un sourire. De toute façon, personne ne soupçonnait le discret homme qu’il était de faire parti de ces mutants suffisamment rebelles pour ne pas se faire recenser, et il comptait bien là-dessus. Il ne remercierait jamais assez le Ciel de l’avoir doté d’une constitution assez fine et d’une taille peu imposante, l’aidant constamment à passer inaperçu. Enfin, aujourd’hui, cela ne suffisait plus. Il lui fallait aussi des T-shirt montant jusqu’à son cou et couvrant ses bras, de même que des pantalons longs afin de cacher toute cicatrice un poil trop voyante. Mais si cela pouvait lui permettre de s’épargner les questionnements sans fin, il l’acceptait volontiers. Il n’y en avait qu’une qu’il ne pouvait dissimuler, un disque parfaitement rond de petite taille au creux de sa paume gauche, là où on lui avait apposé un fer brûlant si longtemps auparavant. Sincèrement, ce souvenir ne le faisait presque plus frémir. Il se doutait bien que beaucoup de mutants avaient bien plus souffert que lui. Il ne pouvait changer le passé, alors autant aller de l’avant !

Il laissa la douche le nettoyer des traces de sueur et d’huile avant de se changer, de nouveau prêt à affronter une journée de travail. Sifflotant, il descendit les escaliers, sa fatigue déjà oubliée… Enfin presque. Il déverrouilla les portes, les ouvrant afin de laisser passer l’air et les clients potentiels, et remonta les stores. Ceci fait, il enclencha la sonnette afin d’être prévenu de l’arrivée de qui que ce soit, et retourna à son travail dans l’atelier. C’était si facile de se perdre dans les multiples mécanismes d’une voiture, tellement plus simples à comprendre que les êtres humains, qu’il perdit toute notion du monde extérieur. Heureusement qu’il était d’une capacité à réagir hors norme, sans quoi la sonnette tomberait dans l’oreille d’un sourd.

Cauchemar : Le mot cauchemar est un terme générique utilisé de façon variable pour désigner des manifestations anxieuses et angoissantes survenant pendant le sommeil, voilà la définition que l'on peut trouver dans n'importe quel dictionnaire, ou sur internet... Lorsqu'on lit ça, tout de suite on comprend qu'il s'agit des angoisses propres à chaque personne, par rapport à la journée qu'elle a vécu, par rapport à son passif, par rapport à ses craintes... Donc on parle bien d'un « je »... Alors comment pourriez-vous expliquer que Ambrà arrivait à faire des cauchemars sur des choses qui ne lui appartenait pas? Parce que encore une fois elle venait de se réveiller en sueur, encore une nuit où elle était prise de terreur nocturne, encore une nuit à ressasser des souvenirs traumatisants, écœurants, effrayants qui n'étaient pas à elle, qui n'appartenaient pas à son passé, ou à ses angoisses.

__. Je déteste ce pouvoir!

Dit la jeune femme se passa les mains sur son visage dont quelques gouttes de sueur parcouraient encore ses tempes.

La jeune femme fit voler ses draps, se levant pour aller dans sa salle de bain. Elle alluma la lumière, éblouie quelques instants elle avança lentement vers le lavabo, voulant éviter de se prendre le pied dans le bac de douche, ou de l'étendage sur lequel on pouvait distinguer des serviettes en éponge. Elle ouvrit le robinet, passa sa main sous l'eau froide, son autre main vint rejoindre la première et elle porta de l'eau fraiche sur son visage, appréciant cette sensation de froid, chaque goutte venant s'appliquer sur son visage. La jeune femme s'appuya de chaque côté du lavabo regardant son pâle reflet dans le miroir en face d'elle. Elle avait une mine à faire peur... Mais vraiment... En même temps à 3h46 du matin, on ne pouvait pas dire qu'elle était fraiche comme un gardon! Elle soupira et se contenta de retourner se coucher, tout en n'oubliant pas d'éteindre la lumière. Lorsqu'elle se retrouva dans le noir, un frisson d'horreur la parcouru, qu'est-ce qu'elle pouvait détester la nuit, l'obscurité, c'était viscéral, une véritable phobie. Qui pourrait la blâmer? A chaque fois qu'il faisait noir, elle se souvenait de chose et d'autre qu'elle avait vu, dès lors qu'elle fermait les yeux et que Morphée venait peu à peu la bercer, elle se plongeait dans l'horreur de son inconscient qui s'amusait à lui montrer tout ce qu'elle avait pu avoir comme vision de plus gore et dégueulasse! Au fond cela pouvait être un avantage, enfin une sorte d'avantage, il lui arrivait de voir des détails en plus, de comprendre les choses différemment en revivant les scènes. Elle s'armait ensuite de son stylo et de sa clef, elle ouvrait son coffre au trésor comme elle l'appelait, en ressortait le carnet correspondant à la personne à qui appartenait la vision, et notait les détails en plus, ses impressions nouvelles.

Et c'était le même rituel encore et toujours. Oui elle savait parfaitement à qui appartenait quoi, elle avait pour ainsi dire une mémoire éléphantesque! Elle n'oubliait jamais rien, ni une personne, ni un nom. Assise en tailleur sur son lit Ambrà alluma sa lampe de chevet, ne résistant pas à sa peur de l'obscurité. Elle détailla, comme à chaque fois le moindre recoin de sa chambre, et comme toujours rien n'avait bougé, tout était pour ainsi dire normal! Elle attrapa son livre d'anatomie au pied de son lit et commença à réviser, non pas qu'elle avait un examen, juste parce qu'il fallait qu'elle se change les idées et que se forcer à apprendre était le seul remède qu'elle avait trouvé, forcer son esprit à se concentrer sur autre chose, à garder en mémoire vive et surtout à long terme, autre chose que des visions de maltraitance, viol ou de sang! Lorsqu'elle reposa son livre pour se recoucher, le soleil venait de pointer le bout de son nez, passant au travers de ses volets qu'elle ne fermait jamais complètement. Elle ne dormit que deux heures avant de se réveiller une nouvelle fois, mais cette fois-ci elle pouvait remercier la chambre voisine! Elle regarda l'heure et soupira, elle n'arriverait pas à se rendormir là c'était foutu... Bon eh bien elle n'avait plus qu'à partir prendre son petit-déjeuner en ville! La jeune femme passa par le Starbuck, et alors qu'elle allait vers l'université, il fallut que sa voiture fasse des siennes... Décidément elle était maudite... Un bruit étrange et inquiétant se faisait entendre, et bientôt elle n'eut plus aucune sensation au niveau de la pédale d'accélération, mais toujours le bruit!

Elle jura dans toutes les langues qu'elle connaissait avant de s'arrêter sur le bas côté, elle donna même un coup de pied dans la roue avant ce qui eut pour effet de plus lui faire mal au pied qu'autre chose! Il ne lui restait plus qu'une seule et unique solution... SOS Kyle! Elle s'attendait déjà à la remarque du jour... Ou alors à un « Encore? »... Ce n'était pas sa journée, en plus elle n'avait que peu dormi ça risquait d'être amusant. La jeune femme arriva tant bien que mal à Brooklyn, faisant du 20 à l'heure et ce faisant klaxonner de tous les côtés. Elle fut plus que soulagée en apercevant le garage et se gara devant. Ambrà sortit de la voiture, emportant avec elle son sac et son petit-déjeuner, elle claqua la porte avec panache comme pour punir la voiture, c'est sûr il y avait des réactions plus intelligentes et censées... Oui mais là elle était en incapacité de raisonner correctement. Elle entra dans le garage et entendit la sonnette qu'elle connaissait pour venir ici très souvent!

__. J'ai des croissants et je n'hésiterais pas à m'en servir.

Hurla-t'elle alors qu'elle posait ses affaires sur le comptoir. De toute façon elle en prenait toujours une tonne de viennoiserie et elle n'arrivait jamais à les finir! Les yeux plus gros que le ventre, littéralement. Elle sourit en voyant arriver Kyle.

Avant toute remarque je tiens à dire pour ma défense que je n'ai rien fait! C'est la voiture qui est possédée je te promets! Elle a sa volonté propre... Et elle ne doit vraiment pas m'aimer! Mais je le jure sur Hippocrate que je ne lui ai rien fait, ce n'est pas de ma faute... Cette fois-ci...