C'était une fin de journée comme une autre. Nous étions samedi, et Luke avait passé toute sa journée à étudier dans une bibliothèque, en plein cœur de New York. Des heures entières, assis au milieu de livres divers et variés, à prendre des notes sur des feuilles, le dos ratatiné par cette position peu confortable, et le crâne sur le point d'exploser. Il se devait d'être assidu dans son travail, ses études n'étaient pas négligeables, et il ne voulait pas se retrouver avec des notes médiocres pour cause de fainéantise. Il ne manquerait plus que ça... Non, dévoué et destiné à bien réussir son année, Luke se donnait au maximum dans ces révisions, et ne se laissait distraire à aucun moment, si bien qu'il en avait oublié de manger, il n'avait rien avalé depuis le petit-déjeuner. Lorsque sa montre indiqua dix neuf heures, il estima qu'il était temps de rentrer à l'institut, il avait besoin de repos, et surtout, d'un peu de distraction. Il se leva de sa chaise, empila les livres qu'il avait utilisé et alla les ranger à leurs emplacements initiaux avec soin. Il alla ensuite prendre toutes les feuilles sur lesquelles il avait griffonné des notes, et les rangea dans une pochette pour ensuite les glisser dans son sac. Il était fin prêt pour partir maintenant ! Il alla remercier la bibliothécaire, question de politesse, puis quitta les lieux, ayant pour objectif principal de se dégoter quelque chose à manger. Il ne serait pas capable d'attendre d'être de nouveau à l'institut pour se remplir l'estomac. Une fois dehors, Luke prit une rue au hasard, il savait que de toute manière, il pourrait emprunter n'importe quelle station de métro pour se retrouver, ce n'était pas un problème. New York était une grande ville certes, mais pas au point de ne pas la connaître après tant d'années passées ici.

C'est à force de marcher que l'étudiant trouva un petit snack dans lequel il acheta un hot dog. Ni une ni deux, il le dévora tout en continuant de marcher, se délectant du bien fou que ça faisait à son ventre qui ne cessait de gargouiller depuis presque deux heures. Il y avait une station de métro, non loin de là, ça lui permettrait de ne pas marcher davantage et de rentrer plus rapidement. Une fois que son dîner improvisé fut englouti, il s'enfonça dans les couloirs souterrains du métro, les mains dans les poches de sa veste, les écouteurs vissés dans les oreilles. Il y avait du monde à cette heure-ci, et ce n'était pas étonnant. Luke en avait l'habitude, si bien qu'il ne faisait plus attention aux bousculades répétées ou aux personnes qui se permettaient de passer devant vous sous prétexte qu'ils sont pressés. Totalement indifférent, le brun passa le tourniquet, et descendit encore quelques marches pour se rendre sur un quai, celui par lequel il pourrait prendre le bon métro. Il n'y avait pas foule, du moins, pas assez pour se retrouver au cœur d'un fourmillement désagréable. Luke longea le quai, pour s'éloigner des personnes qui s’agglutinaient au milieu. Les pies sur la bande de sécurité, l'étudiant se mit à regarder autour de lui, comme par curiosité, histoire de passer le temps. Vous savez, cette manie que l'on peut avoir à observer les autres, on leur invente même une vie, ou on essaye de comprendre le pourquoi de leur mine sombre. La fatigue, l'agacement, la dépression... Et cette femme. Elle ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'années, et paraissait bien plus désespéré que n'importe qui. La mine sombre, les yeux rivés sur un point inexistant devant elle, le teint pâle et les cheveux en bataille, elle paraissait sortir du lit. Les vêtements en vrac, elle n'avait apparemment pas fait attention en sortant de chez elle... Des larmes perlaient sur ses joues, et personne ne semblait faire attention, comme quoi l'indifférence pouvait parfois être grande. Luke ne cessait de la fixer, intrigué, et remarquait ce coup d’œil constant qu'elle avait vers le panneau d'affichage, indiquant l'arrivée du métro. Dans une minute. Elle avança de quelques pas, histoire de se retrouver au bord, au même niveau que l'étudiant, qui pourtant, était certain que ce n'était pas une bonne idée pour elle. Il se décida alors à longer le quai, d'un pas lent, en sa direction. Lui parler ? Pourquoi pas, même s'il était un inconnu, ça pouvait toujours faire du bien... Le métro se faisait entendre au loin, le crissement sur les rails résonnait dans le tunnel. Et alors que le bruit se rapprochait de plus en plus, la jeune femme se laissa tomber. Un hurlement général se fit entendre sur le quai, alors que la demoiselle, prostré entre les rails, ne semblait pas vouloir bouger. Mais qui se serait décidé à l'aider ? Personne. Ils la regardaient, paniqués, mais aucun ne se dévouait. Alors, sans plus attendre, Luke se jeta sur les rails. Oui, je vous vois venir : les rails sont électrifiés. Le coup de jus ne partira que si le corps est en contact avec les deux rails, ce qui fait conducteur de courant... L'étudiant, une fois sur la voie, attrapa la jeune femme pour la tirer, mais elle y mettait son poids, hurlant de la laisser au sol. Un homme s'était penché sur le quai, et tendait les bras, comme pour la réceptionner. Mais le métro arrivait, la lumière apparut dans le tunnel. Que faire ? Luke sentit son cœur accélérer dans sa poitrine, il ne pouvait pas l'arrêter... Il n'avait pas assez de force, c'était impossible. Mais peut-être pouvait-il lui permettre de ralentir. Au bord du quai, tout au bout, quelques personnes s'étaient penchées pour faire signe au conducteur, en espérant que ce dernier les verrait. Apparemment oui, car il se mit à freiner, mais pas assez rapidement, le métro arrivait encore trop vite. Ni une ni deux, Luke leva sa main droite en direction de l'énorme masse de métal, et permit à l'appareil de freiner davantage. Pendant ce temps-là, deux hommes hissèrent la jeune femme hors de rails, et, avant que le métro n'arrive à son niveau, Luke remonta sur le quai à son tour. Quelques secondes plus tard, le métro était là, juste devant eux. Un peu plus, et ils y seraient passés, inévitablement. Le brun resta assit sur le sol un moment, la respiration paniquée, les yeux rivés sur les portes qui s'ouvraient devant eux. Le conducteur passa sa tête par la fenêtre, et le mutant sentit tous les regards braqués sur lui. La jeune femme, encore allongée au sol, le fixait avec horreur, tremblante comme une feuille. C'est là que la voix d'un homme retentit, un peu plus loin :

« C'est un mutant ! Vous avez vu ?! C'est un mutant !!! »

Luke se leva d'un bond et se tourna vers les personnes présentes sur le quai. Les avis étaient apparemment mitigés, certains s'empressaient de partir, d'autres lançaient un regard compatissant, alors que le reste optait pour le fusiller du regard. Il ne pouvait pas rester là, ce n'était pas une bonne idée du moins... Alors, il se mit à se frayer un chemin dans la foule, s'excusant au passage à plusieurs reprises, mais il sentit son bras s'emprisonner, puis l'autre. Deux hommes, qui ne devaient sûrement pas se connaître, mais devaient cultiver la même haine pour les mutants. Quelques personnes restaient tournées vers lui, et s'approchaient, probablement animées par de mauvaises intentions.

« Tu n'as rien à faire ici. » clama un homme en costume.
« Je ne veux pas vous faire de mal... » répondit Luke hâtivement, sur un ton presque désolé.
« Espèce de monstre ! » hurla une femme en le pointant du doigt.

Il avait beau se débattre, rien n'y faisait. Et une chose était certaine, il était hors de question qu'il utilise ses pouvoirs pour se défendre...